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notre Jugement. Mais l’exactitude de cette vue est encore très-douteuse, tandis que la réalité des beautés de la nature est une chose d’expérience.

§. XXXIX.

De la propriété qu’a une sensation de pouvoir être partagée.

Quand la sensation, comme élément réel de la perception, se rapporte à la connaissance, elle s’appelle sensation des sens ; et on ne peut admettre que sa qualité spécifique puisse être généralement et uniformément partagée, qu’en attribuant à chacun un sens égal au nôtre ; mais c’est ce qu’on ne peut supposer à l’égard d’aucune sensation des sens. Ainsi, celui à qui manque le sens de l’odorat ne peut partager l’espèce de sensation qui est propre à ce sens ; et, quand ce sens ne lui manquerait pas, je ne puis être sûr qu’il reçoive d’une fleur exactement la même sensation que vous ou moi. Mais la différence doit être bien plus grande encore entre les hommes relativement à ce qu’il peut y avoir d’agréable ou de désagréable dans la sensation d’un même objet des sens ; et je ne puis exiger que chacun ressente le plaisir que je reçois de cette espèce d’objet. Comme le plaisir dont il s’agit ici entre dans l’esprit par le sens et qu’ainsi nous y sommes passifs, on peut l’appeler le plaisir de la jouissance.