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propre jugement). Plus tard seulement, lorsque l’exercice aura donné plus de pénétration à son jugement, il renoncera de lui-même à sa première manière de juger, tout comme il fait à l’égard de ces jugements qui reposent sur la raison. Le goût implique autonomie. Prendre des jugements étrangers pour motifs de son propre jugement serait de l’hétéronomie.

On vante, il est vrai, et avec raison, les ouvrages des anciens comme des modèles, les auteurs en sont appelés classiques et forment, parmi les écrivains, comme une noblesse dont les exemples sont des lois pour le peuple ; n’est-ce pas là une preuve qu’il y a des sources du goût a posteriori, et cela n’est-il pas en contradiction avec l’autonomie du goût qui est le droit de chacun ? Mais on pourrait dire tout aussi bien que les anciens mathématiciens, regardés jusqu’ici comme d’utiles modèles de la solidité et de l’élégance extrêmes de la méthode synthétique, prouvent aussi que chez nous la raison est imitative et qu’elle est impuissante à produire par elle-même, au moyen de la construction des concepts, des arguments solides et qui attestent une intuition pénétrante. Il n’y a pas d’usage de nos forces, si libre qu’il soit, il n’y a pas non plus d’emploi de la raison (laquelle doit puiser a priori tous ses jugements aux sources communes) qui ne donnerait lieu à des essais malheureux, si chacun