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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE


considéré, ne s’accorde pas avec le but qu’il se propose, mais qui contient une finalité objective, puisqu’il est nécessaire à l’estimation de la grandeur, et cette violence même que l’imagination fait au sujet est jugée conforme à toute la destination de l’esprit.

La qualité du sentiment du sublime consiste en ce qu’il est le sentiment d’un déplaisir qui se lie à la faculté de juger esthétiquement d’un objet, et dans lequel nous nous représentons en même temps une finalité. C’est qu’en effet la conscience de notre propre impuissance éveille celle d’une faculté illimitée, et que l’esprit ne peut juger esthétiquement de celle-ci que par celle-là.

Dans l’estimation logique de la grandeur, l’impossibilité d’arriver à l’absolue totalité par la progression de la mesure des choses du monde sensible dans le temps et dans l’espace, était regardée comme objective, c’est-à-dire comme une impossibilité de concevoir l’infini comme donné tout entier, et non pas comme purement subjective, c’est-à-dire comme une impuissance à le saisir, car il ne s’agit pas là du degré de la compréhension dans une intuition prise pour mesure, mais tout se rapporte à un concept de nombre. Mais dans une estimation esthétique de la grandeur, le concept de nombre doit être écarté ou modifié, et la compréhension de l’imagination comme unité de me-