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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE


son infinité, et la nature avec elle s’évanouissent devant les idées de la raison, quand on veut trouver une exhibition qui leur convienne.


§. XXVII.


De la qualité de la satisfaction attachée au jugement du sublime.


Le sentiment de notre incapacité à atteindre une idée, qui est pour nous une loi, c’est l’estime. Or l’idée de la compréhension de tout phénomène possible dans l’intuition d’un tout, nous est prescrite par une loi de la raison, qui ne reconnaît d’autre mesure universelle et immuable que le tout absolu. Mais notre imagination, même dans son plus grand effort, montre ses limites et son inaptitude à l’égard de cette compréhension d’un objet donné en un tout d’intuition qu’on attend d’elle (par conséquent à l’égard de l’exhibition de l’idée de la raison), mais en même temps aussi elle montre que sa destination est de chercher à s’approprier à cette idée comme à une loi. Ainsi le sentiment du sublime dans la nature est un sentiment d’estime pour notre propre destination ; mais par une sorte de substitution (en convertissant en estime pour l’objet celle que nous éprouvons pour l’idée de l’humanité en nous), nous rapportons ce sentiment à un objet de la nature qui nous rend comme visible la supériorité de la destination rationnelle de nos