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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE


gination à l’exhibition des concepts de nombre ; c’est-à-dire que toute estimation de la grandeur des objets de la nature est en définitive esthétique (ou subjectivement et non objectivement déterminée).

Maintenant, il n’y a pas de maximum pour l’estimation mathématique de la grandeur (car la puissance des nombres s’étend à l’infini) ; mais il y en a certainement un pour l’estimation esthétique, et ce maximum, considéré comme une mesure absolue, au-dessus de laquelle aucune autre n’est subjectivement possible (pour l’esprit qui juge), contient l’idée du sublime, et produit cette émotion que ne peut jamais produire l’estimation mathématique de la grandeur (à moins que cette mesure esthétique ne reste présente à l’imagination). Cette dernière, en effet, n’exprime jamais que la grandeur relative ou établie par comparaison avec d’autres de la même espèce, tandis que la première exprime la grandeur absolument, telle que l’esprit peut la saisir dans une intuition.

Pour trouver dans l’intuition un quantum dont elle puisse servir comme de mesure ou d’unité dans l’estimation mathématique de la grandeur, l’imagination a besoin de deux opérations, l’appréhension (apprehensio) et la compréhension (comprehensio œsthelica). L’appréhension ne présente pas de difficulté, car on peut la continuer à l’infini ; mais la