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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE

Mais il y a entre l’un et l’autre des différences considérables. Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, laquelle consiste dans la limitation ; le sublime, au contraire, doit être cherché dans un objet sans forme, en tant qu’on se représente dans cet objet ou, à son occasion, l’illimitation[1], en concevant en outre dans celle-ci la totalité. D’où il suit que nous regardons le beau comme l’exhibition d’un concept indéterminé de l’entendement, le sublime, comme l’exhibition d’un concept indéterminé de la raison. D’un côté, la satisfaction est liée à la représentation de la qualité ; de l’autre, à celle de la quantité. Autre différence entre ces deux espèces de satisfaction : la première contient le sentiment d’une excitation directe des forces vitales, et, pour cette raison, elle n’est pas incompatible avec les charmes qui attirent la sensibilité et avec les jeux de l’imagination ; la seconde est un plaisir qui ne se produit qu’indirectement, c’est-à-dire qui n’est excité que parle sentiment d’une suspension momentanée des forces vitales et de l’effusion qui la suit et qui en est devenue plus forte ; ce n’est plus par conséquent l’émotion d’un jeu, mais quelque chose de sérieux produit par l’occupation de l’imagination. Aussi le sentiment du sublime est-il incom-

  1. Unbegrenzedtheit