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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR
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La vie de Kant n’a point de place dans l'histoire. Son enfance grave et ses études à Kœnigsberg (1724-1746), ses divers préceptorats dans des familles nobles [l746-1755), son long enseignement comme privat-docent puis comme professeur titulaire {1755-1797), sa vieillesse laborieuse et sa mort sereine {1804) sont des faits sans intérêt pour le sociologue comme pour le chroniqueur. Sa philosophie est en revanche, au témoignage d’un de ses meilleurs juges, « un des faits les plus considérables de l'histoire de l’esprit humain ».

Kant s’est trouvé au confluent de trois principaux courants de pensée : le piétisme dont il avait subi l'influence par sa mère et son maître Martin Knutzen et où il a puisé la foi au devoir et le culte de l'intention morale ; le newtonisme à qui il emprunta une conception rationaliste et à prioriste de la science capitale pour l’intelligence de la Critique de la raison pure ; la « philosophie des lumières » qui lui donna une confiance absolue dans la raison et les idées comme facteurs de civilisation et de progrès et fit de lui un admirateur décidé de la Révolution française. Sa tâche fut de réunir ces idées en une synthèse, non seulement cohérente, mais originale, dominée par une conception géniale et toute personnelle : à savoir, non pas tant le criticisme, comme on l'a trop souvent dit, que l'déalisme critique, c’est-à-dire l'affirma-