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ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE 213


considéré comme l’objet de ces mêmes représentations, comme un objet avec lequel doit s’accorder le concept que je tire des représentations de l’appréhension. On voit tout de suite que, comme l’accord de la connaissance avec l’objet constitue la vérité, il ne peut être ici question que des conditions formelles de la vérité empirique, et que le phénomène, par opposition aux représentations de l’appréhension, ne peut être représenté que comme un objet de l’appréhension distinct de ces représentations, en tant que celle-ci est soumise à une règle qui la distingue de tout autre, et qui rend nécessaire une espèce de liaison de ses éléments divers. Ce qui dans le phénomène contient la condition de cette règle nécessaire de l’appréhension est l’objet.

Venons maintenant à notre question. Que quelque chose arrive, c’est-à-dire qu’une chose ou un état, qui n’était pas auparavant, soit, c’est ce qui ne peut être empiriquement perçu, s’il n’y a pas eu précédemment un phénomène qui ne contenait pas en soi cet état; car une réalité qui succède à un temps vide, par conséquent un commencement qui ne précède aucun état des choses, ne peut pas plus être appréhendé par moi que le temps vide lui-même. Toute appréhension d’un événement est donc une perception qui succède à une autre. Mais comme dans toute synthèse de l’appréhension, les choses se passent ainsi que je l’ai montré plus haut pour le phénomène d’une maison, elle ne se distingue pas encore par là des autres. Voici seulement ce que je remarquerai en outre; si dans un phénomène contenant un événement, j’appelle A l’état antérieur de la perception, et B le suivant, B ne peut que suivre A dans l’appréhension, et la perception A ne peut pas suivre B, mais seulement le précéder. Je vois, par exemple, un bateau descendre le cours d’un fleuve. Ma perception du lieu où ce bateau se trouve en aval du fleuve, succède à celle du lieu où il se trouvait en amont, et il est impossible que, dans l’appréhension de ce phénomène, le bateau soit perçu d’abord en aval, et ensuite en amont. L’ordre de la série des perceptions qui se succèdent dans l’appréhension est donc ici déterminé, et elle-même en dépend. Dans le précédent exemple d’une