Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE

Quelle que soit la nature et l’étendue du contenu de notre concept d’un objet, nous sommes obligés de sortir de ce concept pour lui attribuer l’existence. À l’égard des objets des sens le passage se fait au moyen de l’enchaînement qui rattache le concept à quelqu’une de mes perceptions suivant des lois empiriques ; mais pour les objets de la pensée pure il n’y a aucun moyen de reconnaître leur existence, puisqu’il faudrait la reconnaître tout à fait à priori, mais que notre conscience de toute existence (qu’elle résulte soit immédiatement de la perception, soit de raisonnements qui rattachent quelque chose à la perception), appartient entièrement à l’unité de l’expérience, et que, si une existence hors de ce champ ne doit pas être tenue pour absolument impossible, elle n’en est pas moins une supposition que rien ne peut justifier.

Le concept d’un être suprême est une idée très-utile à beaucoup d’égards ; mais, précisément parce qu’il n’est qu’une idée, il est tout à fait incapable d’étendre à lui seul notre connaissance par rapport à ce qui existe. Il ne peut même pas nous instruire davantage relativement à la possibilité. Le caractère analytique de la possibilité, qui consiste en ce que de simples positions (des réalités) n’engendrent pas de contradiction, ne peut pas sans doute lui être contesté ; mais, comme la liaison de toutes les propriétés réelles en une chose est une synthèse dont nous ne pouvons juger à priori la possibilité, puisque les réalités ne nous sont pas données spécifiquement et que, quand même cela arriverait, il n’en résulterait aucun jugement, le caractère de la possibilité des connaissances synthétiques devant toujours être cherché dans l’expé-


II. 13