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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


siècle qui n’entend plus se contenter d’une apparence de savoir, et qui demande à la raison de reprendre à nouveau la plus difficile de toutes ses tâches, celle de la connaissance de soi-même, et d’instituer un tribunal qui, en assurant ses légitimes prétentions, repousse toutes celles qui sont sans fondement, non par une décision arbitraire, mais au nom de ses lois éternelles et immuables, en un mot la critique de la raison pure elle-même.

Je n’entends point par là une critique des livres et des systèmes, mais celle de la faculté de la raison en général, considérée par rapport à toutes les connaissances auxquelles elle peut s’élever indépendamment de toute expérience ; par conséquent, la solution de la question de la possibilité ou de l’impossibilité d’une métaphysique en général et la détermination de ses sources, de son étendue et de ses limites, tout cela suivant de fermes principes.

Cette voie, la seule qui ait été laissée de côté, est justement celle où je suis entré, et je me flatte d’y avoir trouvé le renversement de toutes les erreurs qui avaient jusqu’ici divisé la raison avec elle-même dans ses excursions en dehors de l’expérience. Je n’ai point cependant éludé ses questions en m’excusant sur l’impuissance de la raison humaine ; je les ai, au contraire,

    solidité, et qu’elles l’ont même surpassée dans ces derniers temps. Or, le même esprit produirait le même effet dans les autres branches de la connaissance, si l’on s’appliquait d’abord à en rectifier les principes. Tant qu’on ne l’aura pas fait, l’indifférence, le doute, et finalement une sévère critique, sont plutôt des preuves d’une certaine profondeur de pensée. Notre siècle est le vrai siècle de la critique ; rien ne doit y échapper. En vain la religion avec sa sainteté, et la législation avec sa majesté, prétendent-elles s’y soustraire : elles ne font par là qu’exciter contre elles-mêmes de justes soupçons, et elles perdent tout droit à cette sincère estime que la raison n’accorde qu’à ce qui a pu soutenir son libre et public examen.