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préface de la première édition[ndt 1]


La raison humaine est soumise, dans une partie de ses connaissances, à cette condition singulière qu’elle ne peut éviter certaines questions et qu’elle en est accablée. Elles lui sont suggérées par sa nature même, mais elle ne saurait les résoudre, parce qu’elles dépassent sa portée.

Ce n’est pas sa faute si elle tombe dans cet embarras. Elle part de principes dont l’usage est inévitable dans le cours de l’expérience, et auxquels cette même expérience donne une garantie suffisante. À l’aide de ces principes, elle s’élève toujours plus haut (comme l’y porte d’ailleurs sa nature), vers des conditions plus éloignées. Mais, s’apercevant que, de cette manière, son œuvre doit toujours rester inachevée, puisque les questions ne cessent jamais, elle se voit contrainte de se réfugier dans des principes qui dépassent tout usage expérimental possible, et qui pourtant paraissent si peu suspects que le sens commun lui-même y donne son assentiment. Mais aussi elle se précipite par là dans une telle obscurité et dans de telles contradictions qu’elle est portée à croire qu’il doit y avoir là quelque erreur cachée, quoiqu’elle ne puisse la découvrir, parce que les principes dont elle se sert sortant des limites de toute expérience, n’ont plus

  1. Cette préface n’a pas été reproduite dans la seconde édition et dans les suivantes ; à sa place Kant en mit une autre, qu’on trouvera après celle-ci.