C’est donc, pour le moins, une question qui exige un examen plus approfondi et qu’on ne peut expédier du premier coup, que celle de savoir s’il y a une connaissance indépendante de l’expérience et même de toutes les impressions des sens. Cette espèce de connaissance est dite à priori, et on la distingue de la connaissance empirique, dont les sources sont à posteriori, c’est-à-dire dans l’expérience.
Mais cette expression n’est pas encore assez précise pour faire comprendre tout le sens de la question précédente. En effet, il y a maintes connaissances, dérivées de sources expérimentales, dont on a coutume de dire que nous sommes capables de les acquérir ou que nous les possédons à priori, parce que nous ne les tirons pas immédiatement de l’expérience, mais d’une règle générale que nous avons elle-même dérivée de l’expérience. Ainsi, de quelqu’un qui aurait miné les fondements de sa maison, on dirait qu’il devait savoir à priori qu’elle s’écroulerait, c’est-à-dire qu’il n’avait pas besoin d’attendre l’expérience de sa chute réelle. Et pourtant il ne pouvait pas non plus le savoir tout à fait à priori ; car il n’y a que l’expérience qui ait pu lui apprendre que les corps sont pesants, et qu’ils tombent lorsqu’on leur enlève leurs soutiens.
Sous le nom de connaissances à priori, nous n’entendrons donc pas celles qui sont indépendantes de telle ou telle expérience, mais celles qui ne dépendent absolument d’aucune expérience. À ces connaissances sont opposées les connaissances empiriques, ou celles qui ne sont possibles qu’à posteriori, c’est-à-dire par le moyen de l’expérience. Parmi les connaissances à priori, celles-là s’appellent pures, qui ne contiennent aucun mélange empi-