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porte dans son âme comme le modèle de ses actions), mais chacune de ces idées n’en est pas moins déterminée immuablement et complètement dans l’intelligence suprême ; elles sont les causes originaires des choses, mais seul l’ensemble des choses qu’elles relient dans le monde leur est parfaitement adéquat. À part ce qu’il peut y avoir d’exagéré dans l’expression, c’est une tentative digne de respect et qui mérite d’être imitée, que cet essor de l’esprit du philosophe pour s’élever de la contemplation de la copie que lui offre l’ordre physique du monde à cet ordre architectonique qui se règle sur des fins, c’est-à-dire sur des idées. Mais, pour ce qui est des principes de la morale, de la législation et de la religion, où les idées rendent possible l’expérience elle-même (du bien), quoiqu’elles n’y puissent jamais être entièrement exprimées, cette tentative a un mérite tout particulier, qu’on ne méconnaît que par ce qu’on en juge d’après ces mêmes règles empiriques qui doivent perdre toute leur valeur de principes en face des idées. En effet, si, à l’égard de la nature, c’est l’expérience qui nous donne la règle et qui est la source de la vérité, à l’égard des lois morales, c’est l’expérience (hélas !) qui est la mère de l’apparence, et c’est se tromper grossièrement que de tirer de ce qui se fait les lois de ce qui doit se faire, ou de vouloir les y restreindre.

Mais, au lieu de nous livrer à ces considérations qui, convenablement présentées, font en réalité la vraie gloire du philosophe, occupons-nous à présent d’un travail beaucoup moins brillant, mais qui n’est pourtant pas non plus sans mérite. Il s’agit de déblayer et d’affermir le sol qui doit porter le majestueux édifice de la morale ; car en le fouillant avec bonne intention, mais inutilement, pour y