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pratique[1], c’est-à-dire dans ce qui repose sur la liberté, laquelle, de son côté, est soumise à des connaissances qui sont proprement un produit de la raison. Celui qui voudrait puiser dans l’expérience les concepts de la vertu, ou (comme beaucoup l’ont fait réellement) donner pour type à la connaissance ce qui, en tous cas, ne peut servir que d’exemple ou de moyen imparfait d’explication, celui-là ferait de la vertu une chose équivoque, variable suivant les temps et les circonstances, et incapable de fournir aucune règle. Au contraire chacun s’aperçoit que, si on lui présente un certain homme comme le modèle de la vertu, il trouve dans son propre esprit le véritable original auquel il compare ce prétendu modèle et d’après lequel il le juge lui-même. Or c’est là l’idée de la vertu ; et si l’on en peut trouver des exemples dans les objets possibles de l’expérience (ou des preuves qui montrent que ce qu’exige le concept de la raison est praticable dans une certaine mesure), ce n’est pas là qu’il en faut chercher le type. De ce qu’un homme n’agit jamais d’une manière adéquate à ce que contient la pure idée de la vertu, il ne s’en suit nullement que cette idée soit quelque chose de chimérique. En effet tout jugement sur la valeur morale ou le manque de valeur morale des ac-

  1. Il étendait aussi il est vrai, sa théorie aux connaissances spéculatives, pourvu seulement qu’elles fussent pures et données tout à fait à priori, et même aux mathématiques, quoique celles-ci n’aient leur objet que dans l’expérience possible. Mais je ne puis le suivre en cela, pas plus que dans la déduction mystique de ces idées ou dans les exagérations par lesquelles il en faisait en quelque sorte des hypostases (*) ; et pourtant le langage sublime dont il se servait dans ce cas, est susceptible d’une interprétation plus modérée et conforme à la nature des choses.

    (*) Dadurch er sie gleichsam hypostasirte.