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PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION


sage et puissant auteur du monde, et une conviction, fondée sur des principes rationnels, qui pénètre dans le public : alors non-seulement le domaine de la raison demeure intact, mais elle gagne en considération par cela seul qu’elle instruit les écoles à ne pas élever, sur certains points qui touchent à l’intérêt général de l’humanité, des prétentions à des vues plus élevées et plus étendues que celles auxquelles peut arriver le grand nombre (lequel est surtout digne de notre estime), et à se borner à la culture de ces preuves que tout le monde peut comprendre et qui suffisent au point de vue moral. Notre réforme n’atteint donc que les prétentions arrogantes des écoles, qui se donnent volontiers (comme elles le font à bon droit sur beaucoup d’autres points) pour les seules autorités compétentes et les seules dépositaires de la vérité, et qui, s’en réservant la clef pour elles-mêmes, n’en communiquent au public que l’usage (quod mecum nescit, solus vult scire videri). Les prétentions plus légitimes des philosophes spéculatifs n’ont cependant pas été oubliées. Ils restent toujours exclusivement les dépositaires d’une science utile au public, qui ne s’en doute guère, c’est-à-dire de la critique de la raison. Elle ne peut jamais devenir populaire, et il n’est pas nécessaire non plus qu’elle le soit. En effet, de même que les arguments finement tissus qui se donnent pour d’utiles vérités n’entrent guère dans la tête du peuple, les objections tout aussi subtiles qu’ils soulèvent ne se présentent pas à lui davantage. Mais comme l’école et tous ceux qui s’élèvent à la spéculation tombent inévitablement dans ce double inconvénient, la critique est obligée de prévenir, une fois pour toutes, par la recherche approfondie des droits de la raison spéculative, le scandale que doi-