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prérogative logique de convenir en propre à quelque chose, il n’y a rien autre chose à en faire, et l’on n’en peut tirer aucune conséquence, puisqu’aucun objet auquel s’applique l’usage du concept n’est déterminé par là, et que par conséquent on ne sait pas si en général il signifie quelque chose. Quant au concept de cause (si je faisais abstraction du temps, où une chose succède à une autre suivant une règle), je ne trouverais dans la pure catégorie rien de plus sinon qu’il y a quelque chose d’où l’on peut conclure à l’existence d’une autre chose, et alors non-seulement la cause et l’effet ne pourraient plus être distingués l’un de l’autre, mais encore, comme ce pouvoir de conclure exige bientôt des conditions dont je ne saurais rien, le concept n’aurait pas de détermination qui lui permît de s’adapter à quelque objet. Le prétendu principe : tout ce qui est contingent a une cause, se présente, il est vrai, avec assez de gravité, comme s’il portait en lui-même sa dignité. Mais quand je vous demande ce que vous entendez par contingent et que vous me répondez : c’est ce dont la non-existence est possible, je voudrais bien savoir à quoi vous prétendez reconnaître cette possibilité de la non-existence, si vous ne vous représentez pas une succession dans la série des phénomènes et dans cette succession une existence succédant à la non-existence (ou réciproquement), c’est-à-dire un changement ; car de dire que la non-existence d’une chose n’est pas contradictoire en soi, c’est faire tristement appel à une condition logique qui est sans doute nécessaire au concept, mais qui est tout à fait insuffisante relativement à la possibilité réelle. C’est ainsi que je puis bien supprimer par la pensée toutes les substances existantes, sans avoir le droit d’en conclure la