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cherche critique, nous n’apprenons rien de plus que ce que nous avons pratiqué de nous-mêmes en faisant de l’entendement un usage purement empirique et sans nous engager dans une investigation aussi subtile, l’avantage qui en résulte ne paraît pas mériter les peines qu’elle coûte. On peut répondre, il est vrai, qu’aucune curiosité n’est plus préjudiciable à l’extension de notre connaissance que celle de vouloir toujours connaître l’utilité d’une recherche avant de s’y être engagé, et avant qu’il soit possible de se faire la moindre idée de cette utilité, l’eût-on d’ailleurs devant les yeux. Mais il y a pourtant un avantage que peut apprécier et prendre à cœur dans une investigation transcendentale de ce genre le disciple le plus difficile et le plus morose : c’est que l’entendement qui est exclusivement occupé de son usage empirique et ne réfléchit pas sur les sources de sa propre connaissance, peut très-bien fonctionner, mais est incapable de se déterminer à lui-même les limites de son usage et de savoir ce qui peut se trouver dans le sein ou en dehors de sa sphère ; car il faut pour cela précisément ces profondes recherches que nous avons instituées. Que s’il ne peut distinguer si certaines questions sont ou non dans son horizon, il n’est jamais sûr de ses droits et de sa propriété, et il doit s’attendre à recevoir à chaque instant des leçons humiliantes, en transgressant incessamment (comme il est inévitable) les limites de son domaine et en se jetant dans les erreurs et les chimères.

Si donc on reconnaît, avec une entière certitude, que l’entendement ne peut faire de tous ses principes à priori et même de tous ses concepts qu’un usage empirique, et jamais un usage transcendental, c’est là un principe qui a de graves conséquences. L’usage transcendental d’un con-