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c’est uniquement à celle-ci que se rapportent toutes les propositions synthétiques à priori, et leur possibilité même repose absolument sur cette relation.


CHAPITRE III

Du principe de la distinction de tous les objets en général en phénomènes et noumènes

Jusqu’ici nous n’avons pas seulement parcouru le pays de l’entendement pur, en examinant chaque partie avec soin ; nous l’avons aussi mesuré, et nous avons assigné à chaque chose sa place. Mais ce pays est une île que la nature elle-même a renfermée dans des bornes immuables. C’est le pays de la vérité (mot flatteur), environné d’un vaste et orageux océan, empire de l’illusion, où, au milieu du brouillard, maint banc de glace, qui disparaîtra bientôt, présente l’image trompeuse d’un pays nouveau, et attire par de vaines apparences le navigateur vagabond qui cherche de nouvelles terres et s’engage en des expéditions périlleuses auxquelles il ne peut renoncer, mais dont il n’atteindra jamais le but. Avant de nous hasarder sur cette mer pour l’explorer dans toute son étendue et reconnaître s’il y a quelque chose à y espérer, il ne sera pas inutile de jeter encore un coup d’œil sur la carte du pays que nous allons quitter, et de nous demander d’abord si nous ne pourrions pas, ou peut-être même si nous