Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Comme il ne manque pas de prétentions hardies, auxquelles ne se refuse pas même la foi commune (mais sans être pour elles une lettre de créance), notre entendement serait ouvert à toutes les opinions, sans pouvoir refuser son assentiment à des sentences qui, quelque illégitimes qu’elles fussent, demanderaient, avec le ton de la plus parfaite assurance, à être admises comme de véritables axiomes. Quand donc une détermination à priori s’ajoute synthétiquement au concept d’une chose, il faut nécessairement joindre à une proposition de ce genre, sinon une preuve, du moins une déduction de la légitimité de cette assertion.

Mais les principes de la modalité ne sont pas objectivement synthétiques, puisque les prédicats de la possibilité, de la réalité et de la nécessité n’étendent pas le moins du monde le concept auquel ils s’appliquent, en ajoutant quelque chose à la représentation de l’objet. Ils n’en sont pas moins synthétiques, mais ils ne le sont que d’une manière subjective, c’est-à-dire qu’ils appliquent au concept d’une chose (du réel), dont ils ne disent rien d’ailleurs, la faculté de connaître où il a son origine et son siège. Si ce concept concorde simplement dans l’entendement avec les conditions formelles de l’expérience, son objet est appelé possible ; s’il est lié à la perception (à la sensation comme matière des sens) et qu’il soit déterminé par elle au moyen de l’entendement, l’objet est dit réel ; si enfin il est déterminé par l’enchaînement des perceptions suivant des concepts, l’objet se nomme nécessaire. Les principes de la modalité n’expriment donc, touchant un concept, rien autre chose que l’acte de la faculté de connaître par lequel il est produit. Or on appelle postulat dans les mathématiques une proposition pratique qui