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d’aucune façon nous en faire une idée et les comprendre ; et, le pussions-nous, toujours n’appartiendraient-elles pas à l’expérience comme à la seule connaissance où les objets nous sont donnés. Peut-il y avoir d’autres perceptions que celles qui en général constituent l’ensemble de notre expérience possible, et par conséquent peut-il y avoir un tout autre champ de la matière ? c’est ce que l’entendement ne saurait décider, n’ayant affaire qu’à la synthèse de ce qui est donné. D’ailleurs la pauvreté de ces raisonnements ordinaires par lesquels nous produisons un grand empire de la possibilité dont toute chose réelle (tout objet d’expérience) n’est qu’une petite partie, cette pauvreté saute aux yeux. Tout réel est possible ; de là découle naturellement, suivant les règles logiques de la conversion, cette proposition toute particulière : quelque possible est réel, ce qui paraît revenir à ceci : il y a beaucoup de choses possibles qui ne sont pas réelles. Il semble à la vérité que l’on puisse mettre le nombre du possible au-dessus de celui du réel, puisqu’il faut que quelque chose s’ajoute à celui-là pour former celui-ci. Mais je ne connais pas cette addition au possible ; car ce qui devrait y être ajouté serait impossible. La seule chose qui pour mon entendement puisse s’ajouter à l’accord avec les conditions formelles de l’expérience, c’est la liaison avec quelque perception : et ce qui est lié avec une perception suivant des lois empiriques, est réel, encore qu’il ne soit pas immédiatement perçu. Mais que dans l’enchaînement général avec ce qui m’est donné dans la perception, il puisse y avoir une autre série de phénomènes, par conséquent plus qu’une expérience unique comprenant tout, c’est ce que l’on ne peut conclure de ce qui est donné, et ce que l’on peut encore