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problématique, qui n’affirme rien à cet égard, mais qui seulement allègue notre impuissance à démontrer par l’expérience immédiate une existence en dehors de la nôtre, est rationnel et annonce une façon de penser solide et philosophique, qui ne permet aucun jugement décisif tant qu’une preuve suffisante n’a pas été trouvée. La preuve demandée doit donc établir que nous n’imaginons pas seulement les choses extérieures, mais que nous en avons aussi l’expérience ; et c’est ce que l’on ne peut faire qu’en démontrant que notre expérience intérieure, indubitable pour Descartes, n’est possible elle-même que sous la condition de l’expérience extérieure.


Théorème
La simple conscience, mais empiriquement déterminée, de ma propre existence, prouve l’existence des objets extérieurs dans l’espace.
preuve

J’ai conscience de mon existence comme déterminée dans le temps. Toute détermination suppose quelque chose de permanent dans la perception. Or ce permanent[ndt 1] ne peut pas être une intuition en moi. En effet,

  1. J’ai suivi ici la nouvelle rédaction que Kant, dans la dernière note de la préface de sa seconde édition (voir plus haut, p. 41), prie le lecteur de substituer à cette phrase du texte : « Or ce permanent ne peut être quelque chose en moi, puisque mon existence dans le temps ne peut être déterminée que par lui-même. » J. B.