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chose, aucun caractère de son existence. En effet, encore que ce concept soit tellement complet que rien ne manque pour concevoir une chose avec toutes ses déterminations intérieures, l’existence n’a aucun rapport avec toutes ces déterminations ; mais toute la question est de savoir si une chose de ce genre nous est donnée, de telle sorte que la perception en puisse toujours précéder le concept. Le concept précédant la perception signifie la simple possibilité de la chose ; la perception qui fournit au concept la matière est le seul caractère de la réalité. Mais on peut aussi connaître l’existence d’une chose avant de la percevoir, et par conséquent d’une manière relativement à priori, pourvu qu’elle s’accorde avec certaines perceptions suivant les principes de leur liaison empirique (les analogies). Alors, en effet, l’existence de la chose est liée avec nos perceptions dans une expérience possible, et nous pouvons, en suivant le fil de ces analogies, passer de notre perception réelle à la chose dans la série des perceptions possibles. C’est ainsi que nous connaissons, par la perception de la limaille de fer attirée, l’existence d’une matière magnétique pénétrant tous les corps, bien qu’une perception immédiate de cette matière nous soit impossible à cause de la constitution de nos organes. En effet, d’après les lois de la sensibilité et le contexte de nos perceptions, nous arriverions à avoir dans une expérience l’intuition immédiate de cette matière, si nos sens étaient plus délicats ; mais la grossièreté de ces sens ne touche en rien à la forme de l’expérience possible en général. Là donc où s’étend la perception et ce qui en dépend suivant des lois empiriques, là s’étend aussi notre connaissance de l’existence des choses. Si nous ne commençons par l’expérience,