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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


la raison spéculative tout progrès dans le champ du supra-sensible, il reste encore à rechercher s’il n’y a pas dans sa connaissance pratique des données qui lui permettent de déterminer le concept transcendant de l’absolu et de pousser ainsi, conformément au vœu de la métaphysique, notre connaissance à priori au delà des bornes de toute expérience possible, mais seulement au point de vue pratique. Et, en procédant comme on vient de le voir, la raison spéculative nous a du moins laissé la place libre pour cette extension de notre connaissance, bien qu’elle n’ait pu la remplir elle-même. Il nous est donc encore permis de la remplir, si nous le pouvons, par ses données pratiques, et elle-même nous y invite[1].

C’est dans cette tentative de changer la méthode suivie en métaphysique et d’y opérer ainsi, suivant l’exemple des géomètres et des physiciens, une révolution complète, que consiste l’œuvre de notre critique de


    dialectique les réunit de nouveau pour les accorder avec l’idée rationnelle et nécessaire de l’absolu, et elle trouve que cet accord n’est possible que par cette distinction, et que, par conséquent, cette distinction est vraie.

  1. C’est ainsi que les lois centrales du mouvement des corps célestes démontrèrent d’une manière certaine ce que Copernic n’avait d’abord admis que comme une hypothèse, et en même temps prouvèrent la force invisible qui lie le système du monde (l’attraction newtonienne), et qui n’aurait jamais été découverte si, contrairement au témoignage des sens, mais suivant la vraie méthode, ce grand homme n’avait pas eu l’idée de chercher dans le spectateur des corps célestes, et non dans ces objets eux-mêmes, l’explication des mouvements observés. Quoique le changement de méthode que j’expose dans la critique et qui est analogue à l’hypothèse de Copernic, se trouve justifié, dans le traité même, non plus à titre d’hypothèse, mais apodictiquement, par la nature de nos représentations du temps et de l’espace et par les concepts élémentaires de l’entendement, je ne le présente aussi dans cette préface que comme une hypothèse, afin de faire ressortir le caractère essentiellement hypothétique des premiers essais d’une réforme de ce genre.