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commencer, on peut dire, au risque d’employer une expression en apparence quelque peu paradoxale, que seul le permanent (la substance) change, et que le variable n’éprouve pas de changement, mais une vicissitude, puisque certaines déterminations cessent et que d’autres commencent.

Le changement ne peut donc être perçu que dans les substances, et il n’y a de perception possible du naître ou du mourir qu’en tant que ce sont de simples déterminations du permanent, puisque c’est justement ce permanent qui rend possible la représentation du passage d’un état à un autre et du non-être à l’être, et que par conséquent on ne saurait les connaître empiriquement que comme des déterminations variables de ce qui est permanent. Supposez que quelque chose commence d’être absolument, il vous faut admettre un moment où il n’était pas. Or à quoi voulez-vous l’attacher ce moment, si ce n’est à ce qui était déjà ? Car un temps vide antérieur n’est point un objet de perception. Mais si vous liez cette naissance aux choses qui étaient auparavant et qui ont duré jusqu’à elle, celle-ci n’était donc qu’une modification de ce qui était déjà, c’est-à-dire du permanent. Il en est de même de l’anéantissement d’une chose : il présuppose la représentation empirique d’un temps où un phénomène cesse d’être.

Les substances (dans les phénomènes) sont les substratrums de toutes les déterminations de temps. La naissance des unes et l’anéantissement des autres supprimeraient même l’unique condition de l’unité empirique du temps, et les phénomènes se rapporteraient alors à deux sortes de temps, dont l’existence s’écoulerait simultanément, ce qui est absurde. En effet il n’y a qu’un temps,