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n’est pas par elle-même une représentation objective et qu’il n’y a en elle ni intuition de l’espace ni intuition du temps, elle n’a pas de quantité extensive ; mais elle a pourtant une quantité (au moyen de son appréhension, où la conscience empirique peut croître en un certain temps depuis rien = 0 jusqu’à un degré donné), et par conséquent elle a une quantité intensive, à laquelle doit correspondre aussi dans tous les objets de la perception, en tant qu’elle contient cette sensation, une quantité intensive, c’est-à-dire un degré d’influence sur le sens[ndt 1].

On peut désigner sous le nom d’anticipation toute connaissance par laquelle je puis connaître et déterminer à priori ce qui appartient à la connaissance empirique, et tel est sans doute le sens qu’Épicure donnait à son expression de προληψις (prolêpsis). Mais, comme il y a dans les phénomènes quelque chose qui n’est jamais connu à priori et qui constitue ainsi la différence propre entre l’empirique et la connaissance à priori, et que ce quelque chose est la sensation (comme matière de la perception), il suit que la sensation est proprement ce qui ne peut pas être anticipé. Au contraire les déterminations pures conçues dans l’espace et dans le temps, sous le rapport soit de la figure, soit de la quantité, nous pourrions les nommer des anticipations des phénomènes, parce qu’elles représentent à priori ce qui peut toujours être donné à posteriori dans l’expérience. Mais supposez qu’il y ait pourtant quelque chose qu’on puisse connaître à priori dans chaque sensation, considérée comme sensation en général (sans qu’une sensation particulière soit donnée), ce quel-

  1. Tout ce premier paragraphe est une addition de la seconde édition.