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être donné de quelque façon. Autrement les concepts sont vides ; et, si l’on a pensé ainsi quelque chose, on n’a en réalité rien connu par cette pensée ; on n’a fait que jouer avec des représentations. Or donner un objet, s’il n’est pas à son tour médiatement pensé, mais immédiatement représenté dans l’intuition, ce n’est autre chose qu’en rapporter la représentation à l’expérience (qu’elle soit réelle ou simplement possible)[ndt 1]. L’espace et le temps sont sans doute des concepts purs de tout élément empirique, et il est bien certain qu’ils sont représentés tout à fait à priori dans l’esprit ; mais, malgré cela, ils n’auraient eux-mêmes aucune valeur objective, ni aucune signification, si l’on n’en montrait l’application nécessaire aux objets de l’expérience. Leur représentation n’est même qu’un schème se rapportant toujours à l’imagination reproductive, laquelle appelle les objets de l’expérience, sans lesquels ils n’auraient pas de sens. Il en est ainsi de tous les concepts sans distinction.

La possibilité de l’expérience est donc ce qui donne la réalité objective à toutes nos connaissances à priori. Or l’expérience repose sur l’unité synthétique des phénomènes, c’est-à-dire sur une synthèse de l’objet des phénomènes en général qui s’opère suivant des concepts, et sans laquelle elle n’aurait pas le caractère d’une connaissance, mais celui d’une rapsodie de perceptions qui ne formeraient point entre elles un contexte suivant les règles d’une conscience (possible) partout liée, et qui par conséquent ne se prêteraient pas à l’unité transcenden-

  1. Einen Gegenstand geben, wenn dieses nicht wiederum nur mittelbar gemeint seyn soll, sondern unmittelbar in der Anschauung darstellen, ist nichts anders als dessen Vorstellung auf Erfahrung (es sey wirkliche oder doch mögliche) beziehen.