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sance. Comme nous n’avons proprement, à nous occuper que de la partie synthétique de notre connaissance, nous aurons soin sans doute de n’aller jamais contre cet inviolable principe, mais nous n’avons aucun éclaircissement à en attendre relativement à la vérité de cette espèce de connaissances.

Il y a pourtant de ce principe célèbre, mais dépourvu de tout contenu et purement formel, une formule renfermant une synthèse qui s’y est glissée par mégarde et sans aucune nécessité. Cette formule, la voici : il est impossible qu’une chose soit et ne soit pas en même temps. Outre que la certitude apodictique (exprimée par le mot impossible) s’ajoute ici d’une manière superflue, puisqu’elle doit s’entendre d’elle-même en vertu du principe, ce principe est affecté par la condition du temps. Il dit en quelque sorte : une chose = A, qui est quelque chose = B, ne peut pas être en même temps non B ; mais elle peut être l’un et l’autre successivement (B aussi bien que non B). Par exemple, un homme qui est jeune ne peut être en même temps vieux ; mais le même homme peut être dans un temps jeune et dans un autre temps non jeune, c’est-à-dire vieux. Or le principe de contradiction, comme principe purement logique, ne doit pas restreindre ses assertions aux rapports de temps ; une telle formule est donc tout à fait contraire à son but. Le malentendu vient uniquement de ce qu’après avoir séparé un prédicat d’une chose du concept de cette chose, on joint ensuite à ce prédicat son contraire : la contradiction qui en résulte ne porte plus sur le sujet, mais sur son prédicat, qui lui est lié synthétiquement, et elle n’a lieu qu’autant que le premier et le second prédicat sont donnés en même temps. Si je dis : un homme qui est ignorant n’est pas