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de l’esprit (non comme détermination d’un objet[1]), et par conséquent la synthèse des éléments divers représentés dans l’espace, lorsque nous faisons abstraction de cet espace pour ne considérer que l’acte par lequel nous déterminons le sens intérieur conformément à sa forme. L’entendement ne trouve donc pas dans le sens intérieur cette liaison du divers, mais c’est lui qui la produit en affectant ce sens. Mais comment le moi, le je pense peut-il être distinct du moi qui s’aperçoit lui-même (je puis me représenter au moins comme possible un autre mode d’intuition), tout en ne formant avec lui qu’un seul et même sujet ? En d’autres termes, comment puis-je dire que moi, comme intelligence et sujet pensant, je ne me connais moi-même comme objet pensé, en tant que je suis en outre donné à moi-même dans l’intuition, que tel que je m’aperçois et non tel que je suis devant l’entendement, ou que je ne me connais pas autrement que les autres phénomènes ? Cette question ne soulève ni plus ni moins de difficultés que celle de savoir comment je puis être en général pour moi-même un objet et même un objet d’intuition et de perceptions intérieures. Il n’est pas difficile de prouver qu’il en doit être réellement ainsi, dès que l’on accorde que l’espace n’est qu’une forme pure des phénomènes des sens extérieurs. N’est-il pas vrai que, bien que le temps ne soit pas un objet d’intuition extérieure, nous

  1. Le mouvement d’un objet dans l’espace n’appartient pas à une science pure, et par conséquent à la géométrie ; car nous ne savons pas à priori, mais seulement par expérience, que quelque chose est mobile. Mais le mouvement, comme description d’un espace, est l’acte pur d’une synthèse successive opérée par l’imagination productive entre les éléments divers contenus dans l’intuition extérieure en général, et il n’appartient pas seulement à la géométrie, mais encore à la philosophie transcendentale.