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cela seul que chaque représentation est accompagnée de conscience ; il faut pour cela que j’unisse l’une à l’autre et que j’aie conscience de leur synthèse. Ce n’est donc qu’à la condition de lier en une conscience une diversité de représentations données que je puis me représenter l’identité de la conscience dans ces représentations, c’est-à-dire que l’unité analytique de l’aperception n’est possible que dans la supposition de quelque unité synthétique[1]. Cette pensée que telles représentations données dans l’intuition m’appartiennent toutes signifie donc que je les unis ou que je puis du moins les unir en une conscience ; et, quoiqu’elle ne soit pas encore la conscience de la synthèse des représentations, elle en présuppose cependant la possibilité. En d’autres termes, c’est uniquement parce que je puis saisir en une conscience la diversité de ces représentations que je les appelle toutes miennes ; autrement le moi serait aussi divers et aussi bigarré que les représentations dont j’ai conscience. L’unité synthétique des intuitions diverses, en tant qu’elle est don-

  1. L’unité analytique de la conscience s’attache à tous les concepts communs comme tels. Lorsque, par exemple, je conçois le rouge en général, je me représente par là une qualité qui (comme caractère) peut être trouvée quelque part et être liée à d’autres représentations ; ce n’est donc qu’à la condition de supposer une unité synthétique possible que je puis me représenter l’unité analytique. Pour concevoir une représentation comme commune à différentes choses, il faut la regarder comme appartenant à des choses qui, malgré ce caractère commun, ont encore quelque chose de différent ; par conséquent il faut la concevoir comme formant une unité synthétique avec d’autres représentations (ne fussent-elles que possibles), avant d’y concevoir l’unité analytique de la conscience qui en fait un conceptus communis. L’unité synthétique de l’aperception est donc le point le plus élevé auquel on puisse rattacher tout l’usage de l’entendement, la logique même tout entière et, après elle, la philosophie transcendentale ; bien plus, cette faculté est l’entendement lui-même.