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l’expérience, et qu’il finit par regarder à tort comme objective, en un mot de l’habitude). Mais il se montra ensuite très-conséquent, en tenant pour impossible de sortir des limites de l’expérience avec des concepts de cette sorte ou avec les principes auxquels ils donnent naissance. Malheureusement, cette origine empirique à laquelle Locke et Hume eurent recours ne peut se concilier avec l’existence des connaissances à priori que nous possédons, comme celles des mathématiques pures et de la physique générale, et par conséquent elle est réfutée par le fait.

Le premier de ces deux hommes célèbres ouvrit toutes les portes à l’extravagance[1], parce que la raison, quand une fois elle pense avoir le droit de son côté, ne se laisse plus arrêter par quelques vagues conseils de modération ; le second tomba complétement dans le scepticisme, dès qu’une fois il crut avoir découvert que ce qu’on tient pour la raison n’est qu’une illusion générale de notre faculté de connaître. — Nous sommes maintenant en mesure de rechercher si l’on peut conduire heureusement la raison humaine entre ces deux écueils et lui fixer des limites, tout en ouvrant un libre champ à sa légitime activité.

Avant de commencer cette recherche, je rappellerai seulement la définition des catégories. Les catégories sont des concepts d’un objet en général, au moyen desquels l’intuition de cet objet est considérée comme déterminée par rapport à l’une des fonctions logiques du jugement. Ainsi, la fonction du jugement catégorique est celle du rapport du sujet au prédicat, comme quand je

  1. Schwarmerey.