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celle qui suit la voie transcendentale, il n’en résulte pas que cette déduction soit absolument nécessaire. Nous avons plus haut suivi jusqu’à leurs sources, au moyen d’une déduction transcendentale, les concepts de l’espace et du temps, et nous en avons ainsi expliqué et déterminé à priori la valeur objective. Mais la géométrie va son droit chemin à travers des connaissances purement à priori, sans avoir besoin de demander à la philosophie un certificat qui constate la légitime et pure origine de son concept fondamental d’espace. C’est que dans cette science l’usage du concept se borne au monde sensible extérieur, dont l’intuition a pour forme pure l’espace, et dans lequel par conséquent toute connaissance géométrique a une évidence immédiate, puisqu’elle se fonde sur une intuition à priori et que les objets sont donnés à priori (quant à la forme) dans l’intuition par la connaissance même. Les concepts purs de l’entendement, au contraire, font naître en nous un indispensable besoin de chercher non-seulement leur déduction transcendentale, mais aussi celle de l’espace. En effet, comme les prédicats que l’on attribue ici aux objets ne sont pas ceux de l’intuition et de la sensibilité, mais ceux de la pensée pure à priori, ces concepts se rapportent à des objets en général, indépendamment de toutes les conditions de la sensibilité ; et, comme ils ne sont pas fondés sur l’expérience, ils ne peuvent montrer dans l’intuition à priori aucun objet sur lequel se fonde leur synthèse antérieurement à toute expérience. Or non-seulement ils éveillent ainsi des soupçons sur la valeur objective et les limites de leur usage ; mais, par leur penchant à se servir du concept d’espace en dehors des conditions de l’intuition sensible, ils rendent ce concept douteux, et voilà pour-