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DE LA RAISON PURE


dente cette différence que, comme le tout dont il est ici question est donné dans l’intuition, tandis que l’univers ne l’est pas, et comme, par conséquent, dans le cas présent, toutes les parties du conditionnel sont données avec lui, tandis que, dans le cas précédent, je devais aller du conditionnel à des conditions qui étaient en dehors de lui, la régression peut aller à l’infini, au lieu d’être simplement indéfinie : c’est ainsi qu’on peut concevoir que le corps soit, comme l’espace, divisible à l’infini. Mais il n’est pas pour cela permis de dire d’un tout divisible à l’infini qu’il se compose d’un nombre infini de parties ; car, bien que toutes les parties soient en effet renfermées dans l’intuition du tout (d’un corps donné), nous n’en connaissons pourtant pas toute la division, et celle-ci ne peut nous être donnée que par une décomposition continue. Nous rentrons donc par là dans le cas du précédent problème, et nous arrivons ainsi à une solution du même genre. Nous ne pouvons dire que tout dans le monde soit composé, ni que les éléments en soient simples, partant indivisibles ; seulement un principe de la raison nous défend de tenir jamais pour complète la régression empirique dans la division de tout ce qui est étendu, c’est-à-dire qui remplit un espace. Ici donc encore la thèse et l’antithèse sont également fausses, et le principe de leur erreur, en même temps que de leur conflit, consiste dans cette illusion qui nous fait considérer comme une chose en soi ce qui n’est qu’un pur phénomène.

Les solutions des deux premières antinomies ont ce caractère commun qu’elles donnent, dans chacune d’elles, les deux assertions opposées pour également fausses. Elles se distinguent par là de celles des deux dernières, qui consistent au contraire à montrer qu’ici la thèse et l’antithèse sont également vraies. Cette différence vient de ce que, dans les deux premiers cas, où il ne s’agit que de ce Kant appelle une synthèse mathématique, les conditions, de quelque manière d’ailleurs qu’on en conçoive la totalité, sont toujours et nécessairement homogènes avec le conditionnel, tandis que, dans les dernières, où il s’agit d’une synthèse dynamique, les conditions des phénomènes peuvent être considérées comme appartenant à un autre ordre de choses que ces phénomènes eux-mêmes. Dans les deux premières antinomies, la thèse et l’antithèse ont dû être déclarées également fausses, parce que, cherchant de part et d’autre la totalité absolue