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ANALYSE DE LA CRITIQUE


possible qu’au moyen de cette idée ; elle sert de fondement à tout progrès vers la perfection morale.

Il invoque encore la conception d’une république idéale. « Quoique, dit-il (p. 375), une constitution parfaite (où, comme dans la république de Platon, les peines ne seraient plus du tout nécessaires) ne puisse jamais se réaliser, ce n’en est pas moins une idée juste que celle qui pose ce maximum comme le type qu’on doit avoir en vue pour rapprocher toujours davantage la constitution légale des hommes de la plus grande perfection possible. En effet, personne ne peut et ne doit déterminer quel est le plus haut degré où doive s’arrêter l’humanité, et par conséquent combien grande est la distance qui doit nécessairement subsister entre l’idée et sa réalisation ; car la liberté peut toujours dépasser les bornes assignées. »

Les exemples précédents sont empruntés à l’ordre moral, où Platon aimait à chercher les idées. Kant n’oublie pas d’ailleurs que ce philosophe ne voyait pas seulement dans les choses morales, mais dans la nature même, la preuve de cette vérité, que les choses doivent leur origine à des idées. « Une plante, dit-il (ibid.), un animal, l’ordonnance régulière du monde (sans doute aussi l’ordre entier de la nature), montrent clairement que tout cela n’est possible que d’après des idées. A la vérité, aucune créature individuelle, dans les conditions individuelles de son existence, n’est adéquate à l’idée de la plus grande perfection de son espèce (de même que l’homme ne peut reproduire qu’imparfaitement l’idée de l’humanité, qu’il porte dans son âme comme le modèle de ses actions), mais chacune de ces idées n’en est pas moins déterminée immuablement et complètement dans l’intelligence suprême ; elles sont les causes originaires des choses, mais seul l’ensemble des choses qu’elles relient dans le monde leur est parfaitement adéquate. » Ici le père du criticisme déclare bien qu’il ne peut suivre Platon dans cette partie de sa philosophie (v. la note de la page 373) : il lui reproche surtout l’exagération mystique qui transformait les idées en hypostases ; il reconnaît pourtant (p. 376) que « à part l’exagération du langage, c’est une tentative digne de respect et qui mérite d’être imitée, que cet essor de l’esprit du philosophe pour s’élever de la contemplation de la copie que lui offre l’ordre physique du monde à cet ordre architectonique qui se règle sur des fins, c’est-