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ANALYSE DE LA CRITIQUE


étaient auparavant et qui ont duré jusqu’à elle, celle-ci n’était donc qu’une modification de ce qui était déjà, c’est-à-dire du permanent. Il en est de même de l’anéantissement d’une chose. » Tel est le fondement de ces deux propositions des anciens : Gigni de nihilo nihil, — in nihilum nil passe reverti ; mais ce fondement, en les justifiant, les restreint, suivant Kant, au champ des phénomènes ou de l’expérience possible pour nous : au fond cette permanence n’est autre chose que la manière dont nous nous représentons l’existence des choses,

Deuxième analogie : principe de la succession des phénomènes.

La deuxième analogie regarde le principe de la succession dans le temps suivant la loi de la causalité, et se formule ainsi : Tous les changements arrivent suivant la loi de la liaison des effets et des causes (p. 249).

On peut dire, d’après le principe précédent, que toute succession des phénomènes n’est que changement ; car, comme il ne peut y avoir en eux de naissance ou de fin absolue, il faut bien que les phénomènes qui se succèdent ne soient que les diverses modifications d’une substance permanente. Mais comment lions-nous entre eux ces changements de telle sorte que cette liaison puisse fournir une expérience déterminée ? Telle est la question qui se présente maintenant.

Soit un changement se manifestant à nous dans l’état d’une chose, si nous ne reconnaissions entre le phénomène actuel B et le phénomène A qui l’a précédé d’autre rapport que celui qu’y perçoit le sens, je ne pourrais dire autre chose sinon que le second m’est apparu après le premier, c’est-à-dire que je n’établirais entre eux qu’un rapport purement subjectif : « la simple perception, dit Kant (p. 250), laisse indéterminé le rapport objectif des phénomènes qui se succèdent. » Je pourrais dans ce cas renverser arbitrairement, au moins par l’imagination, l’ordre des termes, supposer que B a précédé A ; et par conséquent il ne pourrait en résulter aucune connaissance réelle. Pour qu’une connaissance de ce genre soit possible, il faut que je relie les phénomènes l’un à l’autre de telle sorte que je conçoive le premier comme ayant nécessairement déterminé le second, ou le second comme étant la conséquence nécessaire du premier, ou que j’aie recours au concept du rapport de la cause et de l’effet (de la causalité), qui ne peut naître de la perception, mais qui a sa source dans l’entendement.