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ANALYSE DE LA CRITIQUE


produit à priori suivant ces conditions, ou exposer le système des principes de l’entendement pur. Il ne s’agit ici proprement que de jugements synthétiques ; mais, pour en mieux faire ressortir la nature par l’opposition même qui existe entre ces jugements et les jugements analytiques, Kant commence par mettre en lumière le principe suprême de ces derniers.

Ce principe est celui que l’on désigne sous le nom de principe de contradiction. Le principe de contradiction est le critérium universel de toute vérité, en ce sens que toute proposition qui implique une contradiction est par là même convaincue de fausseté ; mais il n’est aussi, en ce sens, qu’un critérium négatif. Il peut bien suffire pour reconnaître la vérité des jugements purement analytiques ; mais, à l’égard de toute connaissance synthétique, il n’est qu’une connaissance sine qua non de la vérité, il n’en saurait être le principe déterminant. Toute pro position qui implique contradiction est fausse ; mais une proposition n’est pas nécessairement vraie par cela seul qu’elle n’est pas contradictoire. Il faut donc chercher ailleurs le principe de tous les jugements qui ne sont pas purement analytiques.

Ce principe nous est déjà connu. Kant le formule ici (p. 216 217) en disant qu’il consiste en ce que « tout objet (de connaissance) est soumis aux conditions nécessaires de l’unité synthétique des éléments divers de l’intuition au sein d’une expérience possible. » Sans ces conditions en effet, il peut bien y avoir encore une rapsodie de perceptions sans lien entre elles ; il n’y a point pour nous d’expérience possible, partant point de connaissance. C’est donc la possibilité de l’expérience qui est le principe et le critérium de la valeur de tous nos jugements synthétiques. « C’est elle, dit Kant (p. 215), qui donne la réalité objective à toutes nos connaissances à priori. » Mais il ne suffit pas d’énoncer ce principe général, il faut le poursuivre dans ses diverses applications, ou retracer le tableau systématique de tous les principes synthétiques de l’entendement pur, c’est-à-dire de tous les principes qui servent à priori de règles à l’expérience. C’est là le travail nouveau que Kant va entreprendre.

C’est encore la table des catégories qui lui fournit le plan de ces principes, lesquels ne sont autre chose que les règles de l’usage objectif de ces catégories. De là aussi le nom de principes mathématiques qu’il donne à ceux qui correspondent aux