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DE LA RAISON PURE


l’intégrité de tout le système, deux choses qui ne peuvent être abandonnées au hasard d’une recherche toute mécanique (v. p. 126) ; quel sera ce principe ?

Il nous est fourni par la fonction de l’entendement. Quelle est cette fonction ? C’est de juger, car penser, c’est juger. Et qu’est-ce que juger ? C’est ramener à l’unité les diverses représentations fournies par la sensibilité, de manière à constituer une connaissance déterminée d’un objet donné ou pouvant être donné par ces représentations, comme quand je dis : ce métal est un corps, tout métal est un corps, etc. Le jugement est donc un acte qui consiste à réunir en une seule et même pensée des représentations diverses. Telle est la fonction de l’entendement : c’est une fonction d’unité. Si donc on veut analyser cette fonction dans ses divers éléments, il faut commencer par déterminer toutes les fonctions de l’unité dans les jugements.

Tableau des fonctions de l’entendement ou des fonctions d’unité dans le jugement.

Or la fonction de la pensée dans le jugement peut être ramenée à quatre titres : 1° quantité, 2° qualité, 3° relation, 4° modalité, et dans chacun de ces titres, à trois moments : sous le premier, le jugement peut être général, ou particulier, ou singulier ; sous le second, affirmatif, ou négatif, ou indéfini ; sous le troisième, catégorique, ou hypothétique, ou disjonctif ; sous le quatrième, problématique, ou assertorique, ou apodictique.

Soit, par exemple, ce jugement : tous les hommes sont mortels, il est, sous le premier point de vue, général ; sous le second, affirmatif ; sous le troisième, catégorique ; sous le quatrième, assertorique.

Kant fait au sujet de ce tableau plusieurs remarques qu’il faut noter pour le bien comprendre.

1° Au point de vue de la quantité, les jugements singuliers diffèrent, comme connaissances, des jugements généraux, quoique les logiciens assimilent les premiers aux seconds, parce que, dans les uns comme dans les autres, le prédicat convient à toute l’extension du sujet ; ils méritent donc à ce titre une place particulière dans un tableau complet des moments de la pensée en général.

2° Au point de vue de la qualité, Kant ajoute aux deux espèces de jugements, affirmatifs et négatifs, distingués par la logique générale, une troisième espèce, qu’il désigne sous le nom de jugements indéfinis ou limitatifs : ce sont ceux (par exemple, ce jugement, l’âme n’est pas mortelle) où le sujet est placé dans


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