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DE LA RAISON PURE


temps, on a attendu de si grandes choses pour l’éclaircissement de cette science, après avoir perdu l’espoir de rien faire de bon à priori ? » Il répond qu’elle doit être entièrement bannie de la métaphysique, ou tout au plus n’y être admise que comme étrangère et temporairement, jusqu’à ce qu’elle ait pu établir son domicile propre dans une vaste anthropologie formant le pendant de la physique empirique, avec laquelle elle constitue la philosophie appliquée. Celle-ci est sans doute liée à la philosophie pure qui en contient les principes à priori, mais elle ne doit pas être confondue avec elle.

Telle est l’idée générale que Kant se fait de la métaphysique. Il espère, en lui donnant pour base la critique de la raison pure et en la faisant rentrer dans ses limites, la relever du discrédit où « elle est tombée, parce qu’après lui avoir demandé plus qu’il n’était juste de le faire, et s’être longtemps bercé des plus belles espérances, on s’est vu trompé dans son attente. On a pu la mépriser en la jugeant d’après des effets accidentels, au lieu de la juger d’après sa nature ; mais « on y reviendra toujours, dit Kant (p. 304), comme à une amie avec laquelle on s’était brouillé, parce que, comme il s’agit de fins essentielles, la raison doit travailler infatigablement soit à l’acquisition de vues solides, soit au renversement de celles qu’on s’est faites antérieurement. D’ailleurs, même en laissant de côté son influence, comme science, sur certaines fins déterminées, elle est le complément nécessaire de toute culture de la raison humaine. Sans doute, comme simple spéculation, elle sert plutôt à prévenir les erreurs qu’à étendre nos connaissances, mais cela ne lui ôte rien de sa valeur et lui donne plutôt de la dignité et de la considération au moyen de la censure qui maintient l’ordre, la concorde générale, et même le bon état de toute la république scientifique, et qui empêche des travaux hardis et féconds de se détourner de la fin capitale, le bonheur universel (p. 405). »

Histoire de la raison pure.

Resterait, pour compléter la méthodologie, à esquisser l’histoire de la raison pure ; mais le chapitre auquel Kant donne ce titre et qui est le dernier de son ouvrage, est plutôt destiné à marquer une lacune dans le système qu’à la remplir. Notre philosophe se borne, à jeter un coup d’œil sur l’ensemble des travaux qu’a accomplis jusqu’ici la raison pure, et qui, dit-il