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ANALYSE DE LA CRITIQUE

Division de la philosophie pure en critique et science ou métaphysiques.

Celle-ci a deux parties : la première, qui est préparatoire, ou comme dit Kant, une propédeutique (un exercice préliminaire), étudie la faculté même de la raison par rapport à toute la connaissance pure à priori, c’est la critique (c’est à cette partie qu’est consacré l’ouvrage que nous analysons en ce moment) ; la seconde, qui est la science dont la première n’a été que l’exercice préparatoire, est le système de la raison pure, embrassant tout son ensemble. C’est cette dernière qu’on désigne ordinairement sous le nom de métaphysique, Kant ajoute qu’on peut entendre ce mot d’une manière plus générale en l’appliquant à toute la philosophie pure, à la critique aussi bien qu’au système de la raison pure, et en opposant en ce sens la métaphysique aux mathématiques d’une part et à la philosophie empirique de l’autre ; mais il le prend ici dans le sens plus restreint qu’il vient d’indiquer.

Nature et division de la métaphysique.

La métaphysique à son tour, suivant la distinction déjà indiquée entre la nature et la liberté, se divise en deux branches, la métaphysique de la nature, qui correspond à la raison spéculative, et la métaphysique des mœurs, qui correspond à la raison pratique, mais fait abstraction de toute condition empirique, ou de tout élément anthropologique, et est ainsi la morale pure. Kant reconnaît que le mot métaphysique est ordinairement réservé à la première de ces deux sciences, mais il pense qu’il convient aussi de l’appliquer à la seconde, qui est également une science pure. Mais, comme c’est de la raison spéculative qu’il s’agit ici, il laisse de côté cette dernière branche de la métaphysique pour ne considérer que la première.

Suivant lui, l’idée d’une telle science est aussi ancienne que la raison humaine ; mais, ajoute-t-il (p. 398), « il faut avouer que la distinction des deux éléments de notre connaissance, dont l’un est en notre pouvoir tout à fait à priori, tandis que l’autre ne peut être tiré qu’à posteriori de l’expérience, est toujours demeurée très-obscure, même chez les penseurs de profession, et qu’ainsi on n’a jamais bien pu déterminer la limite d’une espèce particulière de connaissances, et par conséquent la véritable idée d’une science qui a si longtemps et si fort occupé la raison humaine. » Tout le développement de cette pensée mérite d’être cité textuellement :