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ANALYSE DE LA CRITIQUE


chercher à s’élever par leur moyen aux choses de la raison pure. S’adressera-t-on directement aux principes de la raison pure elle-même, il ne faut pas oublier que ces principes n’ont de valeur que comme principes régulateurs d’un usage systématique de l’expérience, et que, comme principes objectifs, ils sont tous dialectiques. Grâce à cette règle, on ne laissera passer aucune de ces prétendues preuves qui, par l’effet d’un manque de réflexion, obtiennent si aisément une fausse conviction, mais qui ne soutiennent pas l’examen d’un jugement réfléchi.

Deuxième règle.

La seconde règle est que, pour chaque proposition transcendentale, on ne doit chercher qu’une seule preuve. C’est qu’en effet toute proposition transcendentale partant d’un concept hors duquel il n’y a plus rien par quoi l’objet puisse être déterminé, et la preuve ne pouvant contenir rien de plus que la détermination d’un objet en général d’après ce concept, cette preuve doit être unique comme ce concept lui-même. Ainsi cette proposition : tout ce qui arrive a une cause, ne comporte qu’une seule preuve, celle qui se tire de la seule condition qui constitue la possibilité objective d’un concept de ce qui arrive en général. Celle que l’on a prétendu tirer de la contingence revient en définitive à celle-là. Il en est de même des propositions transcendentales qui concernent la simplicité de l’âme ou l’existence de Dieu ; il ne peut y en avoir qu’une seule preuve, si tant est qu’il y en ait une possible, au point de vue spéculatif. « Aussi, dit Kant (p. 352), lorsqu’on voit le dogmatique mettre dix preuves en avant, peut-on être sûr qu’il n’en a pas une. Car, s’il en avait une qui démontrât apodictiquement (comme cela doit être dans les choses de la raison pure), aurait-il besoin des autres ? Son but est seulement d’avoir, comme cet avocat au parlement, un argument pour celui-ci, un autre pour celui-là, c’est-à-dire de tourner à son profit la faiblesse de ses juges, qui, sans beaucoup approfondir la cause et pour se débarrasser de leur besogne, saisissent la première raison qui leur paraît bonne et décident en conséquence. »

Troisième règle.

La troisième règle prescrit de n’employer que des preuves directes ou ostensives, et non des preuves indirectes ou apagogiques. Le propre de ces dernières est de conclure, soit suivant le modus ponens, la vérité d’une connaissance de celle de ses conséquences, soit suivant le modus tollens, la fausseté d’un