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DE LA RAISON PURE


le désordre et le mal qui s’y rencontrent aussi. Si l’on admet la spiritualité de l’âme pour expliquer l’unité de ses phénomènes, il faut invoquer d’autres hypothèses pour expliquer comment les mêmes phénomènes, ceux par exemple de l’intelligence, peuvent croître ou décroître avec le corps.

Usage pratique.

Kant n’admet donc pas que, dans les questions purement spéculatives de la raison pure, il y ait lieu de faire des hypothèses pour s’en servir comme de principes d’explication ; mais, s’il exclut les hypothèses de l’usage dogmatique, il les croit parfaitement admissibles dans l’usage pratique, c’est-à-dire quand il ne s’agit que de se défendre contre les négations du dogmatisme matérialiste. On peut alors les employer utilement comme des armes de guerre, armes de plomb, il est vrai, car elles ne sont point trempées par l’expérience, mais armes toujours aussi bonnes que celles dont peut se servir l’adversaire Kant s’applique ici (p. 343) à montrer par des exemples tout le parti qu’on en peut tirer en ce sens ; mais il a bien soin de rappeler qu’en mettant en avant des hypothèses de ce genre, il ne s’agit que de rabattre la présomption dogmatique d’un adversaire audacieusement négatif, et nullement de démontrer quoi que ce soit dans un ordre de choses absolument inaccessible à la raison spéculative. Il s’agit seulement de montrer à l’adversaire qu’il n’a pas le droit d’étendre les principes de l’expérience possible à la possibilité des choses en général, et que sa prétention n’est pas moins transcendante que celle du dogmatisme contraire. À ce point de vue, les hypothèses transcendantes peuvent être utiles ; mais elles ne sauraient avoir, dans l’ordre spéculatif, d’autre mérite, et ce serait vouloir étouffer la raison sous des chimères que de leur attribuer une autre valeur.

Règles de la démonstration.

Telle est la discipline de la raison pure par rapport aux hypothèses ; il reste maintenant à voir quelle est celle qu’elle doit suivre par rapport aux démonstrations.

Il y a ici trois règles à suivre.

Première règle.

La première est de ne tenter aucune preuve transcendentale sans s’être demandé à quelle source on en puisera les principes et de quel droit on en peut attendre un bon résultat (p. 349). S’agit-il des principes de l’entendement, par exemple du principe de causalité, il faut alors bien savoir que ces principes n’ont de valeur que pour l’expérience possible, et qu’il est inutile de


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