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ANALYSE DE LA CRITIQUE


donc conclure que, sur ce point, la méthode mathématique n’est pas applicable à la philosophie.

Axiomes.

Axiomes. Il n’y a aussi, selon Kant, que les mathématiques qui puissent avoir des axiomes ; la philosophie ne peut citer une seule proposition qui mérite véritablement ce nom. Les axiomes, en effet, sont des propositions synthétiques à priori, qui sont immédiatement certaines. Or, comme la philosophie n’est qu’une connaissance rationnelle fondée sur des concepts, et qu’un concept ne peut être uni à un autre d’une manière à la fois synthétique et immédiate, mais que, pour opérer cette liaison, une troisième connaissance est nécessaire, il suit, qu’à proprement parler, il n’y a point d’axiomes. On y donne cependant d’ordinaire certains principes pour des axiomes, celui-ci, par exemple : tout ce qui arrive a sa cause ; mais ce principe n’est point un axiome, car je ne saurais en reconnaître directement la vérité par de simples concepts : il faut que je me reporte à une troisième chose, c’est-à-dire à la condition de la détermination du temps dans une expérience. « Les mathématiques au contraire sont susceptibles d’axiomes, parce qu’en construisant les concepts dans l’intuition de l’objet, elles peuvent unir à priori et immédiatement les prédicats de cet objet, par exemple qu’il y a toujours trois points dans un plan. » Aussi leurs propositions fondamentales, étant ainsi intuitives, sont-elles évidentes par elles-mêmes, tandis que celles de la philosophie, étant discursives, ne sauraient avoir ce caractère. Il a bien été question plus haut d’axiomes, dans la table des principes de l’entendement ; mais les propositions qui y ont été inscrites sous le titre d’axiomes de l’intuition, n’étaient pas elles-mêmes des axiomes : elles ne servaient qu’à fournir le principe de la possibilité des axiomes, possibilité qui doit être elle-même expliquée par la philosophie transcendentale.

Démonstrations.

3* Démonstrations. Les preuves apodictiques, en tant qu’elles sont intuitives, peuvent seules s’appeler démonstratives ; l’expression même indique que démontrer (demonstrare), c’est pénétrer dans l’intuition même de l’objet. Or, en ce sens, les mathématiques seules contiennent des démonstrations, puisque seules elles peuvent fournir des preuves à la fois apodictiques et intuitives. Les arguments empiriques reposent bien aussi sur l’intuition, mais ils ne sont point apodictiques : l’expérience ne nous apprend