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DE LA RAISON PURE


fourni ni imité par le philosophe dans le sens où l’entend le mathématicien, et que, comme la géométrie en transportant sa méthode dans la philosophie ne construit que des châteaux de cartes, ainsi la philosophie, en appliquant la sienne aux mathématiques, ne peut faire que du verbiage.

Définitions.

Définitions, Suivant Kant il n’y a que les mathématiques qui puissent présenter des définitions dans le sens rigoureux de ce mot. En effet, comme la définition consiste à déterminer les caractères qui conviennent essentiellement à un concept d’une chose et la distingue de toute autre, il ne peut y avoir, à proprement parler, de définition d’un concept empirique, puisque, quand il s’agit des objets de l’expérience, nous ne pouvons jamais être assurés d’en connaître les caractères essentiels et distinctifs. La définition ici ne peut être qu’une explication, que l’expérience peut toujours modifier ou compléter. D’un autre côté, il ne peut y avoir non plus, à proprement parler, de définition d’aucun concept à priori, comme, par exemple, de celui de la substance, ou de celui de la cause, ou de ceux du droit, de l’équité, etc., puisque nous ne saurions nous flatter d’en embrasser toute la sphère de manière à en rendre la représentation parfaitement adéquate à son objet. Aussi Kant propose-t-il de substituer au mot définition celui d’exposition, qui est plus modeste et laisse la porte toujours ouverte à de nouveaux caractères. Les concepts mathématiques au contraire, ne dérivant ni de l’expérience, ni de l’entendement pur, mais étant des créations de notre esprit et ne contenant que ce que nous y mettons nous-mêmes dans la construction que nous en faisons, peuvent être exactement définis : ici l’objet de la définition ne peut contenir ni plus ni moins que le concept, puisque le concept de l’objet a été donné originairement dans la définition. Il suit de là que, pour les mathématiques, les définitions sont le point de départ de la science, tandis qu’il n’en est pas de même dans la philosophie ; et il s’en suit aussi que les définitions mathématiques ne peuvent jamais être fausses : le concept étant donné d’abord par la définition ne contient exactement que ce que la définition veut que l’on pense par ce concept, tandis que les définitions philosophiques peuvent être fausses de plusieurs manières, soit en introduisant dans le concept des caractères qui ne sont pas contenus dans l’objet, soit en omettant ceux qui lui sont essentiels. Il faut