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DE LA RAISON PURE


réponds : sans doute, mais seulement comme objet en idée, et non en réalité, c’est-à-dire uniquement en tant qu’il est pour nous un substratum inconnu de cette unité systématique, de cet ordre et de cette finalité de la constitution du monde dont la raison doit se faire un principe régulateur dans son investigation de la nature. Bien plus, nous pouvons dans cette idée accorder hardiment et sans crainte de blâme un certain anthropomorphisme, qui est nécessaire au principe régulateur dont il s’agit ici. En effet, ce n’est toujours qu’une idée, qui n’est pas directement rapportée à un être distinct du monde, mais au principe régulateur de l’unité systématique du monde, ce qui ne peut avoir lien qu’au moyen d’un schême de cette unité, c’est-à-dire d’une intelligence suprême qui en soit la cause suivant de sages desseins. On ne saurait concevoir par là ce qu’est en soi le principe de l’unité du monde, mais comment nous devons l’employer, ou plutôt employer son idée relativement à l’usage systématique de la raison par rapport aux choses du monde. »

Il suit de là, que, quand nous parlons de ces dispositions de la nature que nous regardons comme une finalité, afin de nous diriger d’après cette idée dans notre investigation de la nature et d’en porter la connaissance à sa plus haute unité, il nous doit être parfaitement indifférent de dire : « Dieu l’a ainsi voulu dans sa sagesse », ou « la nature l’a ainsi sagement ordonné » ; car le principe de cette finalité nous demeure inconnu. Kant explique par l’effet d’une certaine conscience, confuse, il est vrai, de l’usage de ce concept, la réserve qu’ont observée de tout temps les philosophes en parlant de la sagesse et de la prévoyance de la nature, ou de la sagesse divine, comme si c’étaient des expressions synonymes, et en préférant même la première expression, tant qu’il ne s’agit que de la raison spéculative, « parce qu’elle modère notre prétention d’affirmer plus que nous n’avons le droit de le faire, et qu’en même temps elle ramène la raison à son propre champ, la nature. »

La conclusion à laquelle il faut toujours en revenir, c’est que « la raison pure, qui d’abord semblait ne nous promettre rien de moins que d’étendre nos connaissances au delà de toutes les limites de l’expérience, ne contient, si nous la comprenons bien, que des principes régulateurs, qui, à la vérité, prescrivent une unité plus grande que celle que peut atteindre l’usage em-