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comment elle y arrive et sans que, seulement, elle laisse cette question nous venir à l’idée. C’est pourquoi je traiterai tout d’abord de la différence de ces deux modes de connaissance[1].

IV. De la différence des jugements analytiques et des jugements synthétiques.

Dans tous les jugements où est pensé le rapport d’un sujet à un prédicat (je ne considère que les jugements affirmatifs ; car ce que j’en dirai s’appliquera [ensuite] facilement aux jugements négatifs), ce rapport est possible de deux manières. Ou le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu (implicitement = versteckter Weise) dans ce concept A, ou B est entièrement en dehors du concept A, quoiqu’il soit, à la vérité, en connexion avec lui. Dans le premier cas, je nomme le jugement analytique, dans l’autre synthétique. Ainsi les jugements (les affirmatifs) sont analytiques quand la liaison du prédicat au sujet y est pensée par identité ; mais on doit appeler jugements synthétiques ceux en qui cette liaison est pensée sans identité. On pourrait aussi nommer les premiers explicatifs, les autres extensifs, car les premiers n’ajoutent rien au concept du sujet par le moyen du prédicat, mais ne font que le décomposer par l’analyse en ses concepts partiels qui ont été déjà (bien que confusément) pensés en lui ; tandis qu’au contraire les autres ajoutent au concept du sujet un prédicat qui n’avait pas été pensé en lui et qu’on n’aurait pu en tirer par aucun démembrement. Par exemple, lorsque je dis que tous les corps sont étendus, j’énonce un jugement analytique, car je n’ai pas besoin de sortir du concept[2] que je lie au mot corps, pour trouver l’étendue unie à lui, mais je n’ai qu’à décomposer ce concept, c’est-à-dire qu’à prendre conscience du divers que je pense en lui, pour y trouver ce prédicat ; ce jugement est donc analytique. Au contraire, lorsque je dis que tous les corps sont pesants, ici le prédicat est tout à fait différent de ce que je pense dans le simple concept d’un corps en général. L’adjonction de, ce prédicat donne, par conséquent, un jugement synthétique (4).

  1. Ici commençait dans la 2e édition, le § IV.
  2. 2e édition : dépasser le concept.