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40 INTRODUCTION

toute la chaîne des âges les générations futures ne manqueront jamais de connaissances nouvelles à acquérir sur ce terrain. Il s’en faut bien pourtant que ce soit le seul champ où s’exerce notre entendement et qu’il s’y laisse enfermer (einschränken). Elle nous dit bien ce qui est, mais elle ne dit pas

que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité (veranlasst) par des impressions sensibles) produit de lui-même, addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu’à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l’en séparer (zur Absonderung desselben geschickt gemacht hat). C’est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l’on ne saurait résoudre du premier coup d’œil, que celle de savoir s’il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l’expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l’expérience.

Cette expression n’est pourtant pas encore suffisamment déterminée pour marquer tout le sens contenu dans la question proposée. Car on dit bien — et l’usage le veut — de maintes connaissances sorties de sources expérimentales, que nous en sommes capables ou que nous les avons a priori, parce que ce n’est pas immédiatement de l’expérience que nous les dérivons, mais d’une règle générale, que nous avons toutefois elle-même empruntée à l’expérience. C’est ainsi qu’on dit de quelqu’un qui a sapé les fondements de sa maison, qu’il pouvait bien savoir a priori qu’elle s’écroulerait, c’est-à-dire qu’il n’avait pas besoin pour le savoir d’attendre cette expérience, l’écroulement réel. Il ne pouvait pourtant pas le savoir entièrement a priori. En effet, que les corps sont lourds et que, par suite, ils tombent quand on leur enlève ce qui les soutient, c’est ce qu’il fallait que l’expérience lui eût auparavant fait connaître.

Aussi par connaissances a priori nous entendrons désormais non point celles qui ne dérivent pas de telle ou telle expérience, mais bien celles qui sont absolument indépendantes de toute expérience. A ces connaissances a priori sont opposées les connaissances empiriques ou celles qui ne sont, possibles qu’a posteriori, c’est-à-dire par l’expérience. Mais, parmi les connaissances a priori, celles-là sont appelées pures auxquelles n’est mêlé absolument rien d’empirique. Par exemple, cette proposition : Tout changement a une cause, est bien a priori, mais n’est point pure cependant, puisque le changement est un concept que l’on ne peut tirer que de l’expérience.