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préface de la seconde édition

Mais pendant ces travaux, je suis arrivé à un âge assez avancé (j’entre, ce mois-ci, dans ma soixante-quatrième année) : aussi je dois être économe de mon temps, si je veux exécuter mon plan qui est de publier la Métaphysique de la nature aussi bien que celle des mœurs, comme confirmation de l’exactitude de la Critique de la raison aussi bien spéculative que pratique. J’attendrai donc l’éclaircissement des obscurités, qu’il était difficile d’éviter dans cette œuvre, au début, ainsi que la défense de l’ensemble, des hommes de mérite qui en ont fait leur propre affaire. Il y a toujours certains côtés par où est vulnérable un traité philosophique (car il ne peut pas s’avancer aussi bien cuirassé qu’un traité de mathématiques), bien que la structure du système considéré au point de vue de l’unité ne coure pas le moindre danger. En effet, quand il est nouveau, peu de personnes ont l’esprit assez habile pour le voir d’ensemble et un plus petit nombre encore sont capables d’y prendre plaisir, parce que toutes les nouveautés leur sont importunes. Des contradictions apparentes peuvent être trouvées dans tout écrit, surtout dans un écrit à la démarche libre, si l’on met en regard les uns des autres des passages particuliers arrachés de leur place, et ces contradictions peuvent jeter sur cet ouvrage un jour défavorable aux yeux de ceux qui se fient au jugement d’autrui ; mais elles sont faciles à résoudre pour celui, qui s’est élevé à l’idée de l’ensemble. Toutefois, quand une théorie renferme quelque solidité, l’action et la réaction qui semblaient tout d’abord la menacer d’un grand danger, ne servent, avec le temps, qu’à faire disparaître ces inégalités, et, si des hommes impartiaux, lumineux et amis de la vraie popularité s’en occupent, qu’à lui procurer en peu de temps toute l’élégance désirable.

Königsberg, avril 1787.