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dans le temps ne se composent de parties qui soient les plus petites possibles et que pourtant la chose, en changeant d’état, n’arrive à son deuxième état qu’en passant par toutes ces parties, comme par autant d’éléments. Il n’y a aucune différence du réel dans le phénomène, tout comme il n’y a aucune différence dans la grandeur des temps, qui soit la plus petite. Le nouvel état de réalité part du premier où la réalité n’était pas, pour s’accroître en passant par tous les degrés infinis de cette même réalité entre lesquels les différences sont toutes plus petites qu’entre 0 et a.

Quelle utilité peut avoir ce principe dans l’investigation de la nature ? nous n’avons pas à nous en occuper ici. Mais comment un pareil principe qui paraît étendre si loin notre connaissance de la nature, est-il possible a priori ? c’est ce qui appelle notre examen, bien qu’il suffise d’un coup d’œil pour voir qu’il est réel et légitime et que, par conséquent, on puisse se croire dispensé de répondre à la question de savoir comment il est possible. En effet, il y a tant de prétentions sans fondement d’étendre notre connaissance par la raison pure qu’il faut prendre pour règle générale d’être extrêmement méfiant et de ne rien croire et de ne rien accepter de ce genre, même sur la foi de la preuve dogmatique la plus claire, sans des documents qui peuvent fournir une déduction solide.

Tout accroissement de la connaissance empirique, tout progrès de la perception n’est qu’une extension de la détermination du sens interne, c’est-à-dire une progression dans le temps, quels que soient d’ailleurs les objets, phénomènes ou intuitions pures. Cette progression dans le temps détermine tout et n’est déterminée en soi par rien autre chose, c’est-à-dire que les parties de cette progression n’existent que dans le temps et qu’elles sont données par la synthèse du temps, mais non avant elle (34). C’est pourquoi, dans la perception, tout passage à quelque chose qui suit dans le temps est une détermination du temps opérée par la production de cette perception, et, comme cette détermination est toujours et dans toutes ses parties une grandeur, il est la production d’une perception, qui est une grandeur et qui, à ce titre, passe par tous les degrés dont aucun n’est le plus petit depuis zéro jusqu’à son degré déterminé. Or, de là ressort la possibilité de reconnaître a priori une loi des changements quant à leur