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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE


quement ni la connaître, ni la percevoir. Il suffit pour justifier cette conclusion, au point de vue pratique, que ces idées ne contiennent aucune impossibilité interne (contradiction). Ici donc, il y a un principe d’assentiment (Führwahrhaltens) simplement subjectif par rapport à la raison spéculative, mais qui cependant, valable objectivement pour une raison pratique en même temps que pure, donne réalité objective et autorité (Befugniss) aux idées de Dieu et d’immortalité, par l’intermédiaire du concept de la liberté. Bien plus, il se produit une nécessité subjective (un besoin de la raison pure) de les admettre. La raison ne reçoit pas pour cela d’extension en connaissance théorique ; seulement la possibilité, qui n’était auparavant qu’un problème, devient ici une assertion, et ainsi l’usage pratique de la raison est lié avec les éléments de la raison théorique. Ce besoin n’est pas le besoin à peu près hypothétique d’un dessein arbitraire de la spéculation, d’après lequel on devrait admettre quelque chose, si l’on veut, dans la spéculation, user aussi complètement que possible de la raison, mais c’est un besoin, ayant force de loi (gesetzliches),[1] d’admettre une chose sans laquelle ne peut avoir lieu ce qu’on doit sans relâche (unna— chlasslich) se proposer pour but de ses actes.

  1. Barni traduit par légitime. Mais le mot légitime et le mot légal, qui traduirait plus exactement encore le mot allemand, ont en français un sens tout différent de celui que Kant donne à gesetzliches, l’adjectif de Gesetz ; aussi ne le traduirons-nous jamais ni par l’un ni par l’autre de ces mots. Kant emploie d’ailleurs le mot Legalität (ch. lu), qu’il distingue de Gesetzlichkeit. (F. P.)