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DES MOBILES DE LA RAISON PURE PRATIQUE

devoirs envers lui. Mais l'ordre qui nous en fait une règle ne peut pas non plus commander d'avoir cette intention (Gesinnung)[1] dans les actions conformes au devoir, mais simplement d'y tendre. Car le commandement que l'on doit faire quelque chose volontiers est en soi contradictoire, parce que si nous savons déjà par nous-mêmes ce que nous sommes obligés de faire, si nous avions, en outre, conscience de le faire volontiers, un commandement à cet égard serait tout à fait inutile, et si nous le faisons, non pas de notre plein gré (gerne), mais seulement par respect pour la loi, un commandement, qui fait justement de ce respect le mobile de la maxime, agirait précisément d'une façon contraire à l'intention ordonnée. Cette loi de toutes les lois présente donc, comme tout précepte moral de l'Evangile, l'intention morale[2] dans toute sa perfection, de même qu'elle est comme un idéal de la sainteté que ne peut atteindre aucune créature, et qui cependant est le modèle (Urbild) dont nous devons nous efforcer de nous rapprocher par un progrès ininterrompu, mais infini. Si une créature raisonnable pouvait jamais en venir à ce point d'accomplir tout à fait volontiers (gerne) toutes les lois morales, cela signifierait qu'il ne peut se trouver, même une fois en elle la possibilité d'un désir qui l'excite à s'en écarter, car la victoire sur un tel désir coûte toujours un sacrifice au

  1. Sur la traduction de ce mot, voyez la note 1, p. 151. (F. P.)
  2. Nous traduisons liltéralement l'expression sittliche Gesinnung, qui a un sens précis chez Kant, et qae Barni rend, à tort, ce semble, par moralité. Born donne mentem moralem; Abbot, the moral disposition (F. P.).