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loi morale, comme principe déterminant de la volonté, doit, parce qu’elle porte préjudice à tous nos penchants, produire un sentiment qui peut être nommé de la douleur, et nous avons maintenant ici le premier, et peut-être aussi le seul cas, où nous puissions déterminer par des concepts à priori le rapport d’une connaissance (dans ce cas, d’une raison pure pratique) au sentiment du plaisir ou de la peine. L’ensemble des penchants (qui peut-être aussi peuvent être ramenés à un système supportable = erträgliches1 et dont la satisfaction s’appelle alors le bonheur personnel) forme l'égoïsme = Selbstsucht (Solipsismus)2. L’égoïsme est ou l’amour de soi (Selbstliebe), qui consiste dans une hienveillance excessive (über alles gehenden) pour soi-même (philautia), ou bien la satisfaction (Wohlgefallens) de soi-même (arrogantia). Le premier s’appelle spécialement amour-propre (Eigenliebe) ; la seconde, présomption (Eigendünkel)3. La raison pure pratique porte simplement préjudice à l’amour-propre en le contraignant seulement, comme étant naturel à l’homme et s’éveillant en nous avant la loi morale, à s’accorder avec cette loi ; il est alors nommé l'amour-propre raisonnable. Mais la raison terrasse complètement (schlägt gar nieder) la présomption, puisque toutes les préten-


1 Nous traduisons littéralement. Born dit : quodam modo systemate comprehendi ; Barni : à une sorte de système; Abbot : to a tolerable system. (F. P.)

2 Born traduit par insaniam colendi sui ; Barni peu exactement, par amour-propre ; Abbot par self-regard. (F. P.)

3 Nous adoptons les expressions dont s’est servi Barni et dans lesquelles d’ailleurs il ne faut voir que des approximations. Abbot emploie selfishness et selfconceit. (F. P.)